La notification du décompte général fait obstacle à ce que le maître d’ouvrage engage la responsabilité contractuelle du constructeur
Le décompte général et définitif correspond au décompte général accepté par le maître d’ouvrage (article 13.4 du CCAG Travaux). Il fixe de façon irrévocable les droits et obligations financières des parties et vise à régler définitivement le solde du marché.
Il en résulte que lorsque le maître d’ouvrage notifie son décompte général au titulaire d’un marché sans réserve, il ne peut plus engager sa responsabilité pour faute en vue d’obtenir la réparation de ses préjudices et ce, même si les désordres sont apparus postérieurement à la notification dudit décompte.
C’est ce que rappelle le Conseil d’Etat dans son arrêt du 19 novembre 2018 (CE, 19 novembre 2018, req n°408203) dans une espèce mettant en cause un groupement de maîtrise d’œuvre. avocat
En l’espèce, constatant l’apparition de désordres, après la notification de son décompte général aux entreprises chargées de la maîtrise d’œuvre, le maître d’ouvrage avait recherché la responsabilité contractuelle desdites entreprises devant le tribunal administratif du fait d’un défaut de conseil.
Le Conseil d’Etat a rejeté la requête du maitre d’ouvrage en rappelant le caractère définitif de la notification du décompte général sans réserve :
►Si le maître d'ouvrage notifie le décompte général du marché, le caractère définitif de ce décompte fait obstacle à ce qu'il puisse obtenir l'indemnisation de son préjudice éventuel sur le fondement de la responsabilité contractuelle du constructeur
«Considérant qu'il appartient au maître de l'ouvrage, lorsqu'il lui apparaît que la responsabilité de l'un des participants à l'opération de construction est susceptible d'être engagée à raison de fautes commises dans l'exécution du contrat conclu avec celui‑ci, soit de surseoir à l'établissement du décompte jusqu'à ce que sa créance puisse y être intégrée, soit d'assortir le décompte de réserves ; qu'à défaut, si le maître d'ouvrage notifie le décompte général du marché, le caractère définitif de ce décompte fait obstacle à ce qu'il puisse obtenir l'indemnisation de son préjudice éventuel sur le fondement de la responsabilité contractuelle du constructeur, y compris lorsque ce préjudice résulte de désordres apparus postérieurement à l'établissement du décompte ; qu'il lui est alors loisible, si les conditions en sont réunies, de rechercher la responsabilité du constructeur au titre de la garantie décennale et de la garantie de parfait achèvement lorsque celle‑ci est prévue au contrat; avocat
Considérant que la cour administrative d'appel de Lyon a relevé que le décompte du marché de maîtrise d'oeuvre conclu... entre [l'Institut V...] et le groupement ayant pour mandataire la société H... et composé notamment de la société F... a été signé par le maître de l'ouvrage sans aucune réserve et était, par conséquent, devenu définitif ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la cour n'a pas commis d'erreur de droit en en déduisant que [l'Institut] ne pouvait rechercher la responsabilité contractuelle des entreprises chargées de la maîtrise d'oeuvre, et notamment de la société F..., y compris en raison d'un manquement à leur devoir de conseil lors de la réception des travaux, dès lors que le décompte du marché de maîtrise d'oeuvre, qui ne contenait aucune réserve relative à la façon dont le groupement s'était acquitté de cette obligation, était devenu définitif, et alors même que les désordres au titre desquels la responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre était recherchée n'étaient apparus que postérieurement à l'établissement du décompte du marché de maîtrise d'oeuvre ; »
Lorsqu’il apparaît au maître d’ouvrage que la responsabilité de l’un des titulaires du marché est susceptible d’être engagée, il lui appartient soit, de suspendre l’établissement de son décompte général, soit de notifier un décompte assorti de réserves.