La garantie décennale des constructeurs ne peut être engagée que si ce sont les ouvrages objets du marché qui sont affectés par des désordres

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En principe, la réception des ouvrages sans réserve par le maître d’ouvrage fait obstacle à ce qu’il recherche la responsabilité du constructeur sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

Ce n’est qu’en cas de manœuvres frauduleuses ou dolosives de la part du constructeur que le maître d’ouvrage peut engager la responsabilité contractuelle du constructeur après réception des ouvrages sans réserve.

En revanche, même après réception des ouvrages sans réserve, le maître d’ouvrage peut rechercher la responsabilité du constructeur sur le fondement de la garantie décennale. Dans ce cas, il lui appartient de démontrer que son préjudice trouve directement sa cause dans des désordres qui affectent l’ouvrage objet du marché public de travaux.

C’est ce qu’a rappelé la cour administrative d’appel de Bordeaux dans son arrêt du 3 décembre 2019.

Dans cette affaire, une commune avait fait réaliser, dans le cadre d'un marché public de travaux, des aménagements consistant à démolir deux maisons anciennes et à créer, sur l'espace ainsi libéré, une fontaine dite " sèche " avec une animation de jets d'eau, devant une jardinière adossée à une partie d’une maison de propriétaires privés.

En première instance, les propriétaires de cette maison privée avaient obtenu notamment la condamnation de la commune à les indemniser de leurs préjudices tirés de l’apparition de moisissures et d’odeurs d'humidité persistantes dans la cave de leur maison.

La commune avait appelé en garantie certains des constructeurs de l’ouvrage sur le fondement de la garantie décennale mais le tribunal administratif avait rejeté l’appel en garantie de la commune au motif que les ouvrages n’étaient, eux‑mêmes, affectés d’aucun désordre.

Par son arrêt du 3 décembre 2019, la cour administrative de Bordeaux valide le raisonnement du tribunal administratif en rappelant que la responsabilité décennale des constructeurs d’un ouvrage public ne peut être engagée que si les ouvrages objets du marché de travaux sont eux‑mêmes directement affectés par des désordres :

« 4. La fin des rapports contractuels entre le maître d'ouvrage et l'entrepreneur, consécutive à la réception sans réserve d'un marché de travaux publics, fait obstacle à ce que, sauf clause contractuelle contraire, l'entrepreneur soit ultérieurement appelé en garantie par le maître d'ouvrage pour des dommages dont un tiers demande réparation à ce dernier, alors même que ces dommages n'étaient ni apparents, ni connus à la date de la réception. Il n'en irait autrement que dans le cas où la réception n'aurait été acquise à l'entrepreneur qu'à la suite de manoeuvres frauduleuses ou dolosives de sa part. Toutefois, si le dommage subi par le tiers trouve directement son origine dans des désordres affectant l'ouvrage objet du marché, la responsabilité de l'entrepreneur envers le maître d'ouvrage peut être recherchée sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs. En l'espèce, ainsi qu'il a été dit
au point 1, la réception des travaux a été prononcée sans réserve le 4 avril 2009.

5. En relevant que " les dommages précités n'affectent en rien les ouvrages qui ont été l'objet des marchés ", le jugement (…) se borne à constater que le mur et la jardinière, à l'origine d'infiltrations d'eau dans la cave de M. et Mme H..., ne sont eux‑mêmes affectés d'aucun désordre. Tel est le cas dès lors qu'il résulte de l'instruction, d'une part, que le mur, constitué de blocs à bancher remplis de béton, enduit et recouvert d'un parement de briques, n'est pas poreux, son défaut d'étanchéité étant limité à la jonction, à sa tête, avec la façade de la maison, et d'autre part, que la jardinière est utilisée conformément à sa destination. Par suite, la commune d'Arcachon n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté ses appels en garantie, au titre de la responsabilité décennale, des sociétés Auige,  Erma Electronique et Debout, cette dernière ayant réalisé des travaux d'étanchéité défectueux après la réception du marché. (…)
».